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Le nouveau bâtiment "Les Hauts Bois", inauguré en novembre 2020 |
L. G. : Comment la clinique a-t-elle traversé la
crise sanitaire du covid-19 ?
F.P.V. : « Cette crise sans précédent qui dure depuis plus d’un an est source
de nombreuses contraintes pour le fonctionnement de la clinique. Il a fallu
comme ailleurs faire face à une situation totalement nouvelle, évoluant très
rapidement, sans recul… Cette épreuve a mobilisé l’énergie de tous (patients,
soignants, médecins, direction, cuisiniers, personnel administratif, de la
garderie et de l’entretien, stagiaires…) pour adapter notre fonctionnement tout
en préservant les particularités de notre approche thérapeutique : vie
quotidienne, accueil permanent, liberté de circulation… ».
F.P.V. : « Nous avons été confrontés au covid dès le début de la crise, avec un premier cas dès le mois de mars 2020. Nous nous sommes donc très vite mobilisés pour élaborer une stratégie de prévention. Comme dans tous les établissements de santé, une cellule de crise a été créée pour coordonner les mesures de prévention, en lien constant avec l’ARS (3). À La Borde, elle associe la direction, l’équipe médicale, notre coordonnatrice de la gestion des risques, la responsable des Ressources humaines, notre pharmacienne, un représentant de notre commission des plannings ("la grille"), un responsable de l’équipe d’entretien. Elle est en lien constant avec l’ensemble des instances de la clinique. Le premier travail a consisté à réceptionner, lire, analyser et interpréter les recommandations que nous transmettaient quasi-quotidiennement les autorités sanitaires (et qui ont constitué à terme un classeur de plusieurs centaines de pages…), et à les adapter aux spécificités de notre établissement. Cet aspect de la crise a mobilisé beaucoup d’énergie. Cette évolution constante des recommandations est néanmoins compréhensible dans la mesure où les connaissances sur le virus évoluaient jour après jour. Certaines recommandations étaient toutefois parfois éloignées de la pratique et l’on a pu de nouveau constater que les professionnels de terrain sont les mieux placés pour adapter la réponse à une situation sanitaire exceptionnelle. Leur capacité d’initiative est en ce sens essentielle ».
L. G. : « Quels étaient pour
vous les principaux enjeux dans la gestion de cette crise ? »
F.P.V. : « Il nous fallait avant tout garder la maîtrise de la situation en
préservant une relative tranquillité, faire en sorte que les contraintes
sanitaires ne viennent pas entraver les soins ou mettre à mal nos principes
thérapeutiques. Là où dans un hôpital on peut facilement isoler un malade du
covid, cette nécessité prend une tout autre dimension dans un établissement
psychiatrique, et ne s’appréhende pas de la même façon ».
La crise a nécessité de se réinventer dans de
nombreux domaines…
F.P.V. : « Les gestes barrière réduisaient par principe certains espaces de
liberté habituels, ce qui nous a conduits à en inventer d’autres… Il nous a
fallu faire preuve d’inventivité pour expliquer et suivre les "gestes
barrière" sans écraser une possibilité de vie collective quotidienne.
Pour cela, le club thérapeutique a joué un rôle essentiel. Nous avons réussi à
garder un certain contrôle de la situation, grâce au maintien d’une
coordination quotidienne, à la mobilisation et à la "veillance" de
tous. Les informations circulent très vite à La Borde, parce que les gens se
parlent (ce qui ne va pas de soi), et cela permet une grande réactivité ».
De nombreux exemples illustrent cette période très
particulière
- Le port du masque…
F.P.V. : « Comme tous les établissements et entreprises, la clinique a manqué
de ces équipements au début de la crise, et a fait appel à de nombreuses
sources d’approvisionnement, dont la couturière ("Vos rêves sur
mesure") et le tapissier (Stéphane Vignaud) de Cour- Cheverny…
Le masque est contraignant pour tous, mais la plupart
d’entre nous ne le portons qu’en dehors de notre domicile, et le retirons dès
notre retour à la maison… Pour les patients, c’était et c’est toujours
quasiment en permanence du fait de la vie en collectivité… Je souligne leur
patience… ».
- L’hôpital de jour
F.P.V. : « Lors du premier confinement, les patients de l’hôpital de jour,
résidant hors de l’établissement, ne pouvaient plus être accueillis à la
clinique. Là aussi il a fallu réinventer…. Nous avons mis en place un suivi à
distance, par entretien téléphonique quotidien, et/ou des visites à domicile
fréquentes afin de maintenir la continuité des soins. Heureusement, nous avons
pu à nouveau accueillir les patients de l’hôpital de jour dès le mois de juin
2020, dans le respect de certaines précautions sanitaires ».
- Une boutique nouvelle formule
F.P.V. : « À l’inverse, les pensionnaires de la clinique ne pouvaient plus se
déplacer à Cour-Cheverny ou à Blois pour y faire régulièrement leurs courses…
Un atelier du club thérapeutique s’est mis en place pour prendre le relais. Il
existait déjà une "petite boutique" à La Borde, pour de menus achats
: "l‘Échoppée belle" s’est constituée pour élargir la gamme des
produits au plus près des attentes individuelles mais à partir d’un travail
d’organisation collectif. Des "petits métiers" ont ainsi été créés,
comme par exemple pour la distribution du gel hydroalcoolique, ou pour tenir la
porte, avec la fonction de "groom"… ».
- Journal et communication interne
F.P.V. : « Le journal interne "Les nouvelles labordiennes", qui est
un atelier hebdomadaire, a joué un rôle très important pour sensibiliser chacun
aux enjeux de la situation sanitaire mais aussi aux difficultés, incompréhensions
et souffrances que les restrictions pouvaient causer ».
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File d’attente pour "l’Échoppée belle" |
F.P.V. : « La situation sanitaire a conduit à renforcer les effectifs : charge de travail liée aux mesures de prévention, création d’une unité covid, arrêts maladie préventifs ou personnel cas contact… Nous avons fait appel à des CDD, et rappelé quelques retraités dont le concours a été précieux.
Très tôt, dès le début du mois de mai 2020, nous avons réalisé un dépistage global, ce qui à l’époque n’avait rien d’évident car c’était totalement nouveau. Nos soignants ont été formés au dépistage par un laboratoire de Tours. Il était essentiel que ces tests soient réalisés par des personnes proches des patients, leur permettant de vivre cette "épreuve" en confiance, et tout s’est bien passé. Nous avons depuis intégré les tests à notre stratégie de prévention, afin de détecter rapidement d’éventuels cas de covid et pouvoir briser les chaînes de contamination.
Tout ce qui vient d’être évoqué aura permis de maintenir une relative sérénité dans l’établissement, sans que jamais un sentiment de panique ne s’installe. La peur est quelque chose de très contagieux, sans doute plus que le virus... Une possibilité d’accueil et de vie quotidienne a pu être maintenue… ».
Concernant la vaccination
F.P.V. : « Pour la plupart d’entre eux, nos patients ne faisaient pas partie
des publics prioritaires en janvier, et le feu vert ne nous a été donné qu’en
mars, après un travail assidu auprès des autorités sanitaires pour que nos
patients, souffrant de pathologies psychiatriques mais aussi souvent de
pathologies somatiques, puissent y avoir accès. La vaccination s’est déroulée
là aussi sans encombre, grâce à l’implication de tous, et la quasi-totalité
des patients et des professionnels a été rapidement vaccinée. Toutes les doses
ont été utilisées, y compris les doses surnuméraires en proposant la
vaccination à quelques personnes extérieures à l’établissement ».
Des enseignements pour l’avenir…
F.P.V. : « On parle beaucoup en ce moment des "enseignements de la
crise", comme s’il fallait absolument en déduire de nouvelles modalités
pour la suite… Je ne suis pas convaincue par la démarche… Ce que je peux dire
c’est que cette expérience me conforte dans l’idée qu’un dispositif de soins
basé sur l’initiative et la responsabilisation fait aussi ses preuves en
matière de gestion de l’urgence ».
Et maintenant ?
F.P.V. : « Une vie quotidienne moins contrainte va reprendre, du moins nous
l’espérons… Les contraintes vont s’alléger, nos patients vont circuler plus
librement et croiser à nouveau les Courchois dans le village, permettant à la
clinique de La Borde de réintégrer le paysage de la vie locale, et aux nouveaux
habitants de nous découvrir ».
Cette courte immersion dans le monde de La Borde nous
rappelle le proverbe : « À quelque chose, malheur est bon »…
Propos recueillis par P. L.
(1) Pour
plus d’informations sur la clinique de La Borde, voir le livre « Les grandes
heures de Cheverny et Cour- Cheverny en Loir-et-Cher… et nos petites histoires
» - Éditions Oxygène Cheverny 2018 - page 74 : La Borde.
(2) Le
Geste d’Or est une association regroupant différents métiers du bâtiment :
maîtres d’ouvrage, maîtres d’oeuvre, entreprises, gestionnaires et usagers.
Elle organise un concours annuel qui a un double objectif : recenser et mettre
en valeur l’exemplarité des opérations de construction.
(3) ARS :
Agence régionale de santé.
Autres sources d’informations :
www.clubdelaborde.com
La Grenouille n°52 - juillet 2021
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